C’est un véritable camouflet que le Sénat, ou plus exactement la commission des Affaires européennes au Sénat, réunie en session ordinaire ce 4 octobre 2012, vient d’infliger au lobby des partisans du contrôle technique périodique.
Nous évoquions récemment dans un édito la partialité évidente du rapport »Dekra Motorcycle Road Safety Report » publié en 2010 par la célèbre enseigne de l’inspection des véhicules et qui avait abouti à une proposition de résolution européenne portant sur le contrôle technique périodique, notamment des deux et trois roues motorisés.
Plutôt que de de s’appuyer aveuglément sur le rapport Dekra, selon lequel 8 % des accidents seraient liés à une défaillance technique, le Sénat souligne qu’ »il y a lieu de s’interroger sur la pertinence des chiffres avancés par la Commission« , rappelant au passage que « le marché du contrôle des deux roues est estimé à environ 1,5 milliard d’euros »
Le Sénat a donc préféré accorder sa confiance au rapport MAIDS, une étude approfondie sur les accidents des motocycles, publiée sous l’égide de l’Association des constructeurs européens de motocycles (ACEM) avec le soutien de la Commission européenne et qui relève que sur 921 accidents étudiés dans cinq régions tests de France, d’Allemagne, d’Italie, des Pays-Bas et d’Espagne, moins de 0,5 % d’entre eux sont directement liés à une défaillance technique. « Au vu de ces chiffres, l’introduction d’un contrôle technique obligatoire ne me semble pas évidente« , conclut le Sénat, ajoutant qu’ »il convient de souligner que l’ACEM ne peut être suspectée de vouloir minorer l’impact des défaillances techniques, puisqu’elle s’est elle-même déclarée favorable à l’introduction des contrôles techniques, naturellement souhaitée par les concessionnaires« .
La conclusion est soulignée en gras dans le rapport présenté par le sénateur Jean-François Humbert : « De façon générale, aucun lien ne peut être établi entre une réduction du nombre d’accidents et l’introduction du contrôle technique sur les motocycles. »
En conséquence et en vertu du non respect du principe de subsidiarité (pour les intiés), le Sénat a rejeté cette proposition de règlement de contrôle technique périodique, estimant cette démarche ne paraît pas fondée tant l’impact des défaillances techniques des automobiles comme des motocycles sur les accidents de la route apparait résiduel » .
Cerise sur le gâteau, le texte précise que »les données utilisées par la Commission européenne paraissent provenir de sources ayant un intérêt dans l’adoption du texte« . Une belle claque aux lobbies à l’oeuvre pour ponctionner les motards français.
La FFMC, qui en plus de mobiliser les motards à plusieurs reprises contre le contrôle technique, avait incité via ses antennes régionales les citoyens-motards à interpeler les euro-députés, « se réjouit évidemment de ce revers infligé autant à la Commission européenne qu’à Dekra ». Cette décision de la Commission des Affaires européennes au Sénat valide le travail de proximité effectué par la FFMC afin que le bon sens puisse prévaloir sur le sens des affaires…
Nota : Deux enseignements sont toutefois à retirer des différentes études sur lesquelles s’est appuyé le Sénat :
- Le rapport Maids, note que la principale cause de défaillance technique tient à l’usure des pneus. Ce qui, logiquement, n’a pas constitué une raison suffisante au Sénat pour justifier un contrôle technique coûteux, « le propriétaire d’un deux-roues pouvant aisément s’en apercevoir« . A méditer toutefois pour ceux qui roulent en pneus usés…
- Selon une étude menée en 2007 par Peter Christensen et Rune Elvik,les accidents attribués à un défaut technique reflètent bien plus une tendance des usagers à risquer leurs vies, les chercheurs norvégiens estimant que « ceux qui ne font pas attention à la sécurité ne font pas plus attention à l’entretien de leur véhicule ». Et que la mise en place du contrôle technique ne saurait en fait améliorer le comportement de ces personnes. A méditer aussi…